Les Couserannais racontent 39-45

Les Couserannais racontent 39-45

Posted by on 3 Déc 2019 in Article |

Année de parution : 2019

Auteur : Jean-Paul Ferré

Collection : Oralitat de Gasconha n°34

Aqueth libe-CD qu’ei dedicat aths que vòn pas desbrembar tant coma aths que vòn aprénguer, comprénguer e transméter un passat pas tan lonh e pr’aquò guaireben amortit. S’eths racondes son pròpis ara gent deth Coserans, era sua portada passa per delà eras termièras… Aqueths testimoniatges dera vita de tot dia pendent era guèrra de 1939-1945 que mos tòcan particularament pr’amor dera proximiat geografica, mès tanben pr’amor dera proximitat afectiva, pr’amor, d’a on que siam, qu’avem totes un parent o un vesin que coneguec aquestes ans. Alavetz anem descobrir aqueres tròçes de vita, aqueths testimoniatges dificiles, de còps mès leugèrs, d’aquera gent deth Coserans que s’ac an pas desbrembat e que mos balhan finalament esper e hame de’n saber mès. Pr’amor que se’n cau brembar, pr’amor que cau comprénguer d’a on venguem, çò que s’a passat, entà saber tà on vam, escotem aqueras « petitas » istuèras que hèn era « grana » Istòria : qu’ei atau que las poiram hèr viver nosautes tanben.

Ce livre s’adresse à tous ceux qui ne veulent pas oublier, mais aussi à ceux qui veulent apprendre, comprendre et transmettre un passé pas si lointain et pourtant déjà presque éteint. Si ces récits sont propres aux gens du Couserans, ils en dépassent lar-gement les frontières… Ces témoignages du quotidien de la guerre de 1939-1945 nous touchent particulièrement par leur proximité géographique, mais aussi par leur proximité affective car, d’où que nous soyons, nous avons tous un parent qui a connu et vécu ces années-là. Alors découvrons ces tranches de vie, ces témoignages difficiles, parfois plus légers, de ces Couserannais qui n’ont pas oublié et qui nous donnent finalement de l’espoir et l’envie d’en sa-voir plus.

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Extrait de collecte : Les fées du Carric Traucat

Posted by on 25 Sep 2014 in Audio |

Eras hadas deth carric Traucat

 

Le contexte : Nous sommes à Antras, au mois de juillet, en haut du village. La route jusqu’à chez Yvette est raide, tellement qu’elle ferait palir le meilleur grimpeur du Tour de France. J’arrive chez elle essouflé. C’est la deuxième fois que je viens la voir et elle a une bonne nouvelle, aujourd’hui André devrait passer car, en sa présence, il a accepté de raconter l’histoire des fées du Carric Traucat. J’étais allé le voir deux jours auparavant, plein d’entrain mais avait essuyé un refus. J’étais déçu. Même si je ne l’avais jamais vu, j’avais tout de même reconnu sa voix. Il avait en effet été enregistré par Jean Séguy le 10 août 1964 récitant la «Parabole de l’enfant prodigue» pour l’Atlas Linguistique de Gascogne, en gascon d’Antras. Je lui avais expliqué que je venais le faire parler en patois et que je l’avais entendu sur internet, mais cela l’avait plus perturbé qu’autre chose. Il faut toujours choisir ses mots. Il était aujourd’hui vieux et avait oublié. Il m’avait donc dit non.

Mais deux jours plus tard, voilà qu’il arrive chez Yvette d’un pas lent dans cette côte à pic, comme surgi de 1964. Sans plus attendre, il me raconte trois contes de fées avec sérieux, puis repart. Je ne l’ai jamais revu depuis.

 L’extrait : Essayons de résumer l’histoire clairement car elle est ici racontée par bribes. Une fée demeure dans une grotte au dessus du village d’Antras, c’est le Carric Traucat. Elle a un enfant (un macipon) qu’elle perd un jour. Ceux de la maison «de Telèu» le recueillent et le nourissent. Mais au bout d’un moment, l’homme qui avait soigné l’enfant meurt. La fée appelle son petit du haut de la montagne : «Pinquirinèu ! Mèu, mèu» et lui, lui répond «Mamà mia, a on èu ?» (Ma mère, où êtes-vous ?). La fée dit donc à l’enfant lorsqu’elle le retrouve que l’homme qui l’a soigné l’a bien soigné, mais que si l’enfant lui avait donné du céleri du jardin (àbit deth òrt), l’homme s’en serait tiré (eth òme que seria estòrt). Aussi abracadabrantesque que cela puisse paraître, c’est l’histoire que André me raconta en ce mois d’août 2013.

On peut entendre Yvette à côté qui encourage André car il sait raconter les histoires (Conda l’ac ! :  raconte le lui !). A travers sa voix, nous percevons celle de celui qui lui a appris ce conte car son ton est solennel et sa prosodie, calquée sur les intonations des anciens. Son vocabulaire est très soutenu et par la suite de l’entretien, j’ai pu comprendre avec quel soin, Jean Séguy choisissait ses «sujets».

Il est rare dans notre monde matérialiste d’entendre parler de fées et de légendes, sans ironie. Rare de pouvoir écouter quelqu’un qui se fait le porte-voix des devanciers à l’heure où tout est écrit, consigné, archivé et rangé dans un tiroir.

 

Renaud Lassalle

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Extrait de collecte : Nos croyances

Posted by on 25 Sep 2014 in Vidéo |

Eras Nostas Credenças

Le contexte : Jean-Baptiste travaillait dans une banque, il a toujours vécu à Saint-Girons mais sa famille était originaire de la Bellongue (era Vath-Longa). Il en a l’accent même s’il n’y a jamais véritablement vécu. C’est la deuxième fois que nous venons voir ce monsieur qui en impose par ses allures de sage. Nous le connaissions déjà par ses interventions sur Radio Couserans dans «la Voix de la Montagne» et c’est pour ceci que nous voulions le rencontrer. Nous avons été accueilli en amis dans cette petite maison remplie de photos de famille et de souvenirs. Comme nous pouvions nous y attendre, cet entretien n’a pas été comme les autres : plus poussé, plus érudit, plus réfléchi. Jean-Baptiste répond avec calme et application à nos questions, le labrador qui dort sur le fauteuil derrière, fait quelques apparitions dans le champs.

 

L’extrait : Est-il bien nécéssaire d’expliciter la pensée de Jean-Baptiste tant elle est claire et précise ? Il construit une étonnante comparaison entre les superstitions d’autrefois (tremper la statue d’un saint dans une fontaine pour faire pleuvoir) et ce qu’il appelle «eras nostas credenças» (nos croyances) : notre foi dans le progrès, notre confiance envers un système économique destructeur, notre consternante naïveté quand nous croyons que la technologie nous rendra heureux. La profondeur et la fraicheur de cette pensée est telle qu’elle nous accompagne encore aujourd’hui.

Sur la forme, il est aussi intéressant de constater avec quelle «lenteur» son discours se construit, il choisit ses mots, il manie le silence jusqu’à nous asséner sa conclusion les yeux dans les yeux. L’art même du discours ! Lors du projet Tramontana, j’ai fait visionner cet extrait en Toscane à un public cosmopolite venu d’Afrique noire, du Mahgreb, et de partout en Europe. Quand il fut achevé, les gens applaudirent à l’unisson. Malgré leurs différences culturelles, tous s’y étaient retrouvés.

L’on peut imaginer comment dans un média traditionnel comme la radio ou la télévision, il aurait déjà été coupé et recoupé car il faut aller vite, même si c’est pour parler dans le vent.

 

Renaud Lassalle

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Extrait de collecte : Napoleon et son cheval

Posted by on 15 Sep 2014 in Vidéo |

 Le contexte : Nous sommes au mois d’août dans le Biros, à Sentein (09). Il fait très chaud, je monte sur le mauvais chemin jusqu’au hameau où habite André. Nous sommes à 1000 m d’altitude. Le soleil me crame littéralement. André me dit qu’il va s’assoir sur le banc de pierre au milieu du quartier, mais cela me gêne, le soleil est dévorant, et de plus, il porte un bonnet ! Rien à faire, il ne veut pas bouger de là. De ces grands gestes, il se pique aux orties qui poussent au bords du banc. Nous sommes régulièrement dérangés par des ouvriers qui travaillent à restaurer une maison de ce hameau désert. Il est 11h, je reviendrai aussi cet après-midi. André m’a été décrit par les autres personnes du village comme un original. De longs draps pendent aux fenêtres de sa maison, été comme hiver. «Quand ils n’y seront plus, je serai mort», me dit-il.

L’extrait : Tout d’abord, insistons sur la précision et la vivacité de ses souvenirs. Le chemin qui reliait le Biros à Barrados (un pacage du Val d’Aran, en terre espagnole) faisait 2m22. Il me dira après que certain avaient dû rogner sur leurs maisons car elles empiétaient sur le chemin. Au travers du récit d’André, nous devinons la quasi-sacralité de l’oralité en cette société paysanne de montagne : ce qui est dit est dit et l’on ne revient pas dessus. De ce fait, il n’y a pas de contestation : Napoléon est venu à Sentein et a tracé, lui-même, un chemin de 2m22 jusqu’à une estive aranaise perdue en pleine montagne, aussi absurde que cela puisse paraître. On peut presque imaginer André, enfant écoutant cette histoire en rêvant… Napoléon et son cheval, le tableau est si parlant ! Ayant conscience de la cocasserie de cette anecdote, j’insiste sur la présence de Napoléon, en posant deux fois la même question, deux questions qui engendrent deux fois la même réponse, «c’est Napoléon qui l’a tracé ce chemin».

Renaud Lassalle

 

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