Extrait de collecte : Nos croyances

Posted by on 25 Sep 2014 in Vidéo |

Eras Nostas Credenças

Le contexte : Jean-Baptiste travaillait dans une banque, il a toujours vécu à Saint-Girons mais sa famille était originaire de la Bellongue (era Vath-Longa). Il en a l’accent même s’il n’y a jamais véritablement vécu. C’est la deuxième fois que nous venons voir ce monsieur qui en impose par ses allures de sage. Nous le connaissions déjà par ses interventions sur Radio Couserans dans «la Voix de la Montagne» et c’est pour ceci que nous voulions le rencontrer. Nous avons été accueilli en amis dans cette petite maison remplie de photos de famille et de souvenirs. Comme nous pouvions nous y attendre, cet entretien n’a pas été comme les autres : plus poussé, plus érudit, plus réfléchi. Jean-Baptiste répond avec calme et application à nos questions, le labrador qui dort sur le fauteuil derrière, fait quelques apparitions dans le champs.

 

L’extrait : Est-il bien nécéssaire d’expliciter la pensée de Jean-Baptiste tant elle est claire et précise ? Il construit une étonnante comparaison entre les superstitions d’autrefois (tremper la statue d’un saint dans une fontaine pour faire pleuvoir) et ce qu’il appelle «eras nostas credenças» (nos croyances) : notre foi dans le progrès, notre confiance envers un système économique destructeur, notre consternante naïveté quand nous croyons que la technologie nous rendra heureux. La profondeur et la fraicheur de cette pensée est telle qu’elle nous accompagne encore aujourd’hui.

Sur la forme, il est aussi intéressant de constater avec quelle «lenteur» son discours se construit, il choisit ses mots, il manie le silence jusqu’à nous asséner sa conclusion les yeux dans les yeux. L’art même du discours ! Lors du projet Tramontana, j’ai fait visionner cet extrait en Toscane à un public cosmopolite venu d’Afrique noire, du Mahgreb, et de partout en Europe. Quand il fut achevé, les gens applaudirent à l’unisson. Malgré leurs différences culturelles, tous s’y étaient retrouvés.

L’on peut imaginer comment dans un média traditionnel comme la radio ou la télévision, il aurait déjà été coupé et recoupé car il faut aller vite, même si c’est pour parler dans le vent.

 

Renaud Lassalle

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Extrait de collecte : Napoleon et son cheval

Posted by on 15 Sep 2014 in Vidéo |

 Le contexte : Nous sommes au mois d’août dans le Biros, à Sentein (09). Il fait très chaud, je monte sur le mauvais chemin jusqu’au hameau où habite André. Nous sommes à 1000 m d’altitude. Le soleil me crame littéralement. André me dit qu’il va s’assoir sur le banc de pierre au milieu du quartier, mais cela me gêne, le soleil est dévorant, et de plus, il porte un bonnet ! Rien à faire, il ne veut pas bouger de là. De ces grands gestes, il se pique aux orties qui poussent au bords du banc. Nous sommes régulièrement dérangés par des ouvriers qui travaillent à restaurer une maison de ce hameau désert. Il est 11h, je reviendrai aussi cet après-midi. André m’a été décrit par les autres personnes du village comme un original. De longs draps pendent aux fenêtres de sa maison, été comme hiver. «Quand ils n’y seront plus, je serai mort», me dit-il.

L’extrait : Tout d’abord, insistons sur la précision et la vivacité de ses souvenirs. Le chemin qui reliait le Biros à Barrados (un pacage du Val d’Aran, en terre espagnole) faisait 2m22. Il me dira après que certain avaient dû rogner sur leurs maisons car elles empiétaient sur le chemin. Au travers du récit d’André, nous devinons la quasi-sacralité de l’oralité en cette société paysanne de montagne : ce qui est dit est dit et l’on ne revient pas dessus. De ce fait, il n’y a pas de contestation : Napoléon est venu à Sentein et a tracé, lui-même, un chemin de 2m22 jusqu’à une estive aranaise perdue en pleine montagne, aussi absurde que cela puisse paraître. On peut presque imaginer André, enfant écoutant cette histoire en rêvant… Napoléon et son cheval, le tableau est si parlant ! Ayant conscience de la cocasserie de cette anecdote, j’insiste sur la présence de Napoléon, en posant deux fois la même question, deux questions qui engendrent deux fois la même réponse, «c’est Napoléon qui l’a tracé ce chemin».

Renaud Lassalle

 

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