Extrait de collecte : Napoleon et son cheval

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 Le contexte : Nous sommes au mois d’août dans le Biros, à Sentein (09). Il fait très chaud, je monte sur le mauvais chemin jusqu’au hameau où habite André. Nous sommes à 1000 m d’altitude. Le soleil me crame littéralement. André me dit qu’il va s’assoir sur le banc de pierre au milieu du quartier, mais cela me gêne, le soleil est dévorant, et de plus, il porte un bonnet ! Rien à faire, il ne veut pas bouger de là. De ces grands gestes, il se pique aux orties qui poussent au bords du banc. Nous sommes régulièrement dérangés par des ouvriers qui travaillent à restaurer une maison de ce hameau désert. Il est 11h, je reviendrai aussi cet après-midi. André m’a été décrit par les autres personnes du village comme un original. De longs draps pendent aux fenêtres de sa maison, été comme hiver. «Quand ils n’y seront plus, je serai mort», me dit-il.

L’extrait : Tout d’abord, insistons sur la précision et la vivacité de ses souvenirs. Le chemin qui reliait le Biros à Barrados (un pacage du Val d’Aran, en terre espagnole) faisait 2m22. Il me dira après que certain avaient dû rogner sur leurs maisons car elles empiétaient sur le chemin. Au travers du récit d’André, nous devinons la quasi-sacralité de l’oralité en cette société paysanne de montagne : ce qui est dit est dit et l’on ne revient pas dessus. De ce fait, il n’y a pas de contestation : Napoléon est venu à Sentein et a tracé, lui-même, un chemin de 2m22 jusqu’à une estive aranaise perdue en pleine montagne, aussi absurde que cela puisse paraître. On peut presque imaginer André, enfant écoutant cette histoire en rêvant… Napoléon et son cheval, le tableau est si parlant ! Ayant conscience de la cocasserie de cette anecdote, j’insiste sur la présence de Napoléon, en posant deux fois la même question, deux questions qui engendrent deux fois la même réponse, «c’est Napoléon qui l’a tracé ce chemin».

Renaud Lassalle